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Etat d’urgence - A Paris, les CRS n’aiment pas l’harmonica !

dimanche 6 décembre 2015


La scène se passe à deux pas de la Bastille,


dans les rues branchées du 4e arrondissement de Paris, à l’heure où les jeunes mères de familles rentrent de l’épicerie bio et où les collégiens des Francs-Bourgeois sortent de cours. Eux n’ont plus classe, ou ont déserté la fac depuis longtemps. Ce mardi 1er décembre, ils sont cinq, six, huit tout au plus, à se promener dans Paris avec un vélo et une petite carriole coiffée d’un drapeau blanc siglé écolo. Les négociations de la conférence mondiale sur le climat ont débuté deux jours plus tôt. Ils rêvent d’une Terre meilleure. La veille les chefs d’Etat dînaient à deux pas.

On les repère de loin à leur look de jeunes alters – godillots délacés, cheveux longs retenus d’un bandeau – mais leur dégaine n’a rien d’effrayant. Ils marchent rue Saint-Antoine, en direction de Bastille. L’un joue de l’harmonica, un second avait sorti son tambourin, lorsque sept cars de CRS sont arrivés.

« Ils étaient au moins quarante, j’ai d’abord cru à une alerte à la bombe. » C’est Manon Loizeau, journaliste, qui raconte la suite. Elle habite à deux pas et rentrait chez elle à ce moment-là. « Les sirènes, les hommes en noir, on commence à avoir l’habitude dans le quartier, c’est l’état d’urgence permanent. Deux jours avant, on avait les snipers et l’hélico parce qu’Obama dînait place des Vosges. » Mais les remarques des passants – « oh là, là, c’est juste des jeunes » – la font ralentir. « Je me suis retrouvée face à quarante CRS armés, casqués, masqués pour certains, qui ordonnaient à ces jeunes de s’accroupir, les mains sur la tête. »

« Parmi eux, il y a peut-être des terroristes ! Circulez ! »

Quelques lycéens s’arrêtent aussi et interpellent les CRS : « Ils n’ont rien fait, ils jouaient de la musique. Plutôt que de vous en prendre à eux, vous étiez où vendredi, quand on se faisait tirer dessus ?  » Le dialogue est mal engagé. « Qu’est ce que vous en savez ? Parmi eux, il y a peut-être des terroristes ! Circulez ! Vous voulez finir comme eux ? », répond un CRS. La journaliste s’en mêle : « Vous n’avez pas d’autres priorités que de vous en prendre à ces gamins ? C’est ça, l’état d’urgence, un Etat policier ? » Les forces de l’ordre expliquent avoir reçu un appel leur signalant « des éléments pouvant représenter un danger et se dirigeant vers la place de la Bastille ».

Les vérifications d’identité durent plus d’une demi-heure. Les apprentis musiciens attendent, assis sur le trottoir, les mains sur la nuque. L’un d’eux entame le chant Om des yogis. La disproportion des moyens employés interpelle les riverains, le kiosquier, les vendeuses de vêtements. « Je ne comprends pas, mon copain jouait seulement de l’harmonica », glisse une jeune femme à la journaliste, laquelle s’interroge : « Est-ce qu’on devient déviant si on chante à cinq dans la rue ? Depuis quand n’a-t-on plus le droit de marcher contre le réchauffement climatique au bruit des tambourins ? »

Manon Loizeau est prix Albert-Londres (2006). Au début des années 2000, elle vivait en Russie, travaillait en Tchétchénie. « En Russie aujourd’hui, un rassemblement c’est pas plus de trois personnes pour éviter toute manifestation de l’opposition. Va-t-on en arriver là ? On a tous dénoncé Guantanamo et les dérives de Bush. Bien sûr, on a tous peur, mais n’est-on pas en train de basculer ? »

Sidérée par cette intervention, parce que « la sécurité ne doit pas passer avant la liberté », la journaliste a posté un petit texte et quatre photos sur son mur Facebook. Plus de 7 000 personnes les ont déjà partagés.

etatdurgencelemonde@gmail.com

Emeline Cazi
Journaliste au Monde

Quand la police perd les pédales...

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