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Les Européens jouent l’escalade face à la Grèce

samedi 7 février 2015

Les Européens jouent l’escalade face à la Grèce

PAR MARTINE ORANGE
ARTICLE PUBLIÉ LE SAMEDI 7 FÉVRIER 2015
Deux jours après la BCE, les responsables européens
adressent de nouveaux ultimatums au gouvernement grec. Ils lui donnent jusqu’au 11 février, mercredi prochain, pour présenter son plan de redressement et jusqu’au 16 février pour accepter les crédits prévus dans le plan de sauvetage. Le gouvernement grec semble déterminé à ne pas plier.
L’Europe paraît vouloir faire plier le gouvernement grec dans les plus brefs délais. Elle vient d’adresser à la Grèce de nouveaux ultimatums, après celui lancé par la Banque centrale européenne (BCE) mercredi 4 février. Avant la tenue du sommet européen, prévu mercredi prochain, où Alexis Tsipras doit faire sa première apparition, les responsables européens ont annoncé vendredi 6 février une réunion exceptionnelle des ministres européens des finances afin d’arrêter leur position sur la Grèce. Elle aura lieu le 11 février, soit la veille du sommet européen. « Le gouvernement grec doit remettre son plan d’ici au 11 février », a exigé l’Eurogroup. Cela donne moins de
six jours au gouvernement grec pour établir un plan de redressement.
Irritée par la tournée européenne des responsables de Syriza, qui ont tenté pendant toute la semaine de plaider leur cause dans d’autres capitales, l’Allemagne a réagi très vite. Afin de prouver qu’elle n’est pas isolée dans la gestion du dossier grec, l’Allemagne espère obtenir un alignement total des autres capitales sur sa position, lors de cette réunion.

Wolfgang Schaüble et Yanis Varoufakis le 5 février © Reuters
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Tout de suite après l’annonce de cette rencontre imprévue, le ministre italien des finances, Pier Carlo Padoan, a déclaré que les ministres de l’Eurogroup se fixaient comme but d’arrêter une « position unifiée » sur la Grèce. Le gouvernement français, qui avait semblé un moment vouloir se poser en négociateur entre la Grèce et ’Allemagne, paraît avoir par avance renoncé à sa prétention, au nom de l’amitié franco-allemande.
« C’est la Grèce contre tous les autres, 18 contre 1 », a déclaré à Reuters un conseiller européen assistant aux réunions préparatoires. Pour accentuer la pression, le résident de l’Eurogroup, Jeroen Dijsselbloem, a annoncé, quelques minutes avant la clôture des marchés internationaux pendant le week-end, que l’Europe donnait à la Grèce jusqu’au 16 février pour obtenir une extension de son plan de sauvetage. « Le temps sera très court si la Grèce ne demande pas l’extension du plan de sauvetage », a insisté le président de l’Eurogroup, encore humilié par son voyage à Athènes le 30 janvier. Il justifie ce délai aussi court par la nécessité de faire approuver l’extension de ce plan par les parlements de certains pays. Il faut savoir respecter le formalisme démocratique, à défaut de son essence. Accepter l’extension du plan de sauvetage, c’est souscrire sans conditions aux mesures de rigueur, aux réformes imposées par ce plan, c’est revoir la troïka revenir à Athènes et contrôler toutes les décisions du gouvernement, mettre son veto quand les dispositions ne lui conviennent pas. C’est donc l’inverse de tous les engagements pris par Syriza pendant sa campagne.
Le gouvernement grec a déjà indiqué qu’il refusait de céder. Des milliers de manifestants ont défilé jeudi à Athènes pour apporter leur soutien au nouveau
gouvernement, lui demandant de ne pas plier face au coup d’État financier enclenché par la BCE.
Dès son arrivée au pouvoir, le nouveau gouvernement grec a fait savoir qu’il mettait un terme à ce plan de sauvetage et refusait les crédits qui allaient avec. « La Grèce ne demande pas le versement des tranches restantes du plan de sauvetage en cours, à
l’exception du 1,9 milliard d’euros que la BCE et les États membres de l’Union européenne doivent lui reverser », a déclaré le ministre grec des finances,
Yanis Varoufakis.
Lors de leurs rencontres européennes, les responsables grecs ont plaidé pour obtenir du temps et un crédit relais pour renégocier le sauvetage de la Grèce, mettre en place de véritables réformes, notamment sur la lutte contre l’évasion fiscale, et pour construire enfin un État moderne digne de ce nom. Ils demandent aussi une révision de l’excédent budgétaire fixé aujourd’hui à 4,5 % du PIB, pour permettre le remboursement des dettes du pays, et de le ramener à 1,5 %, afin de regagner des marges de manœuvre permettant de financer des mesures sociales et de soutien à l’économie. Les Européens ont décidé de lui refuser ce délai, et exigent une soumission à leur politique.

« Notre élection ne vous fait pas plaisir, mais utilisez-nous », a plaidé Yanis Varoufakis face au ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble, totalement fermé. Le désaccord est si grand que le ministre grec a défié le ministre allemand, estimant
qu’« ils n’étaient même pas d’accord sur leur désaccord ». Pour montrer que le dialogue est totalement inutile, le ministre allemand a refusé que le ministre britannique des finances, George Osborne, donne son numéro de portable au ministre grec, selon la presse britannique.
La BCE vient prêter main-forte aux Européens dans cette stratégie d’étranglement financier. Deux jours après lui avoir retiré un de ses principaux canaux de financement, la Banque centrale a refusé vendredi la demande du gouvernement grec d’émettre 5 milliards d’euros de dettes à court terme. Syriza ne cache pas que la situation financière de la Grèce est extrêmement tendue, alors que les rentrées fiscales ne sont pas au rendez-vous et que la fuite des capitaux s’accélère. De 8 à 10 milliards d’euros ont été retirés des comptes bancaires en janvier, selon les autorités grecques. Les retraits se sont sans doute accélérés depuis la décision de la BCE, mercredi, de ne plus accepter en garantie les titres de dette grecs.

Ultimatums


Le premier ministre grec Alexis Tsipras le 5 février © Reuters
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« La Grèce a besoin de 4 à 5 milliards d’euros jusqu’en juin, le temps de négocier un nouvel accord avec ses créanciers », a expliqué le ministre grec de l’économie, Georges Stathakis, au Wall Street Journal.Il dit espérer que la raison l’emportera. « Si ce n’est pas le cas, la Grèce sera le premier pays à faire faillite pour 5 milliards d’euros », conclut-il, laissant entendre que le gouvernement est prêt à aller jusqu’au bout de l’épreuve de force.
Les financiers, qui jusque-là ont assisté en tant que spectateurs aux scènes européennes, commencent à s’alarmer de la situation et en tirent les premières
conclusions. Vendredi après-midi, Standard & Poor’s a abaissé la note de la Grèce de B à B-, avec surveillance négative. « Le temps dont dispose le nouveau gouvernement grec pour trouver un accord avec ses créanciers sur un refinancement de sa dette s’est réduit en raison de contraintes de liquidités », explique l’agence de notation. Évoquant les incertitudes qui entourent la Grèce, la menace des retraits bancaires, Standard & Poor’s souligne le risque grandissant de voir la Grèce sortir de la zone euro.
De son côté, Moody’s a placé la dette grecque sous surveillance négative et menace de la dégrader. L’agence estime qu’une « grande incertitude pèse sur l’issue des négociations entre la Grèce et ses créanciers. Le résultat pourrait avoir des implications négatives sur la capacité de la Grèce de se financer », accentuant les risques de faillite.

Avant même les élections grecques, le gouvernement allemand, par une fuite soigneusement organisée dans le Spiegel, avait fait savoir qu’une sortie de la Grèce de la zone euro était une hypothèse qui ne lui faisait plus peur. Pour Berlin, cette
exclusion d’Athènes serait bien moins dommageable qu’en 2012. Le président du mécanisme européen de stabilité, Klaus Regling, conforte cette idée dans un entretien publié vendredi par la Nikkei Asian Review. Tout en se disant prêt à travailler avec le gouvernement grec, il souligne que s’il n’y a pas d’accord, le gouvernement grec n’aura plus de financement. « Nous sommes maintenant bien mieux préparés pour faire face à quelque crise qui survienne », avertit-il, soulignant ainsi que la sortie de l’euro ne lui fait pas peur. Des centaines de scénarios ont été construits ces dernières années pour imaginer ce qu’il pourrait advenir en cas de sortie d’un pays de la zone euro.
Certains prédisent le pire, pour le pays sortant au moins dans un premier temps, mais aussi pour le reste de la zone euro. Par effet de domino, les pays les plus vulnérables seraient poussés à sortir les uns après les autres, pensent-ils, et la zone euro éclaterait. D’autres, au contraire, assurent que la situation pourrait être tout à fait gérable, sans grande conséquence sur la zone euro, renforçant au contraire la cohésion de l’ensemble. C’est manifestement le scénario que l’Allemagne retient. Mais, dans les faits, personne ne sait ce qu’il peut advenir.

« La stratégie du bras de fer conduite par l’Allemagne comporte des risques substantiels », prévient le Wall Street Journal. « En plus de provoquer une possible
sortie de la Grèce de l’euro, elle comporte des dangers politiques. Beaucoup d’Européens voient déjà l’Allemagne comme le caissier inflexible du continent. Refuser de trouver un compromis avec le nouveau gouvernement grec sur quelques milliards
d’euros de plus renforcerait cette image et amènerait Berlin à se voir accusé d’ignorer la situation critique de la Grèce et de s’asseoir sur la démocratie », écrit-il.
Les Européens, n’opposant une nouvelle fois aucune objection publique à la stratégie allemande, pensent qu’ils ont le temps de leur côté. Leur agitation, les
chassés-croisés dans les capitales créent un climat de tension extrême. Cette stratégie de l’escalade pourrait entraîner la zone euro à un point de non-retour. Nous
y sommes peut-être déjà.

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