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Louis Aragon - La rose et le réséda

Aragon

Louis Aragon (1897-1982) est une figure majeure du surréalisme. Après avoir participé à la « drôle de guerre », dès la fin août 1940, Aragon part avec sa compagne Elsa Triolet pour la zone Sud où il noue des contacts en vue d’organiser la Résistance. Voulant combattre l’invasion culturelle allemande, il publie clandestinement des poèmes qui unissent en une même exaltation Elsa et la France opprimée (Le Crève-Cœur, 1941 ; Les Yeux d’Elsa, 1942 ; Le Musée Grévin, 1943 ; La Diane française, 1944).

· En août 1941, l’officier de marine gaulliste et catholique Honoré d’Estienne d’Orves est passé par les armes. En octobre, Guy Moquet, jeune communiste, est exécuté à Chateaubriant, en Bretagne. En décembre, le député communiste Gabriel Péri est fusillé. En juillet 42, le Résistant catholique Gilbert Dru subit le même sort.

· Ainsi il publia à Marseille, sous son vrai nom (ensuite, il signa François Lacolère) dans le journal Le Mot d’Ordre*, « La rose et le réséda », poème où il rend hommage à ces quatre Résistants auxquels il dédie ce poème, qui fut d’abord publié clandestinement en 1942.

· Dans ce poème qui eut un retentissement énorme, Louis Aragon utilise la forme et un thème de la chanson populaire pour glorifier la Résistance et pour prôner, à l’intérieur de celle-ci, l’union des catholiques et des communistes.

*Le Mot d’Ordre :

Le Mot d’ordre est un ancien journal fondé en août 1940 par deux députés socialistes ralliés au régime de Vichy : Ludovic-Oscar Frossard, député de Haute-Saône et ministre dans les années 1930 et René Gounin, député puis sénateur de Charente. Le journal parut d’abord à Clermont-Ferrand, suite au repli en zone Sud de l’équipe de La Justice, puis à Marseille à partir d’octobre 1940 et également à Lyon.
Il aurait servi de couverture à la Résistance après 1943. Maurice Druon y collabora de 1941 à 1942. Stanislas Fumet en dirigeait les pages littéraires y publiant notamment La Rose et le Réséda de Louis Aragon le 11 mars 1943. Le journal cessa de paraître le 26 février 1944. Le no 1 est daté du 20 août 1940 et le no 1130 est daté du 26 février 1944.

LA ROSE ET LE RESEDA



La rose et le réséda

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l’échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Qu’importe comment s’appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l’un fut de la chapelle
Et l’autre s’y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu’elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l’un chancelle
L’autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l’autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Nos sanglots font un seul glas
Et quand vient l’aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu’aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
Il coule, il coule, il se mêle
À la terre qu’il aima
Pour qu’à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas
L’un court et l’autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L’alouette et l’hirondelle
La rose et le réséda

Louis Aragon, La diane Française


LA ROSE ET LE RESEDA, Chanté par " LA TORDUE"